Ouragan à Priziac en 1907

On lit dans le nouvelliste du Morbihan du 22 octobre 1907 qu'au  Faouët,<< la foire du 18 Octobre n'ayant pu se tenir en raison du mauvais temps, est reportée au 23 octobre>>.Fait rarissime dans les annales des marchés et foires du chef-lieu de canton ! Il faut dire qu'une tempête sévère secoue le département depuis quelques jours.

Le 17 octobre, le correspondant à Lorient du progrès du Morbihan note qu'à cause de la mer démontée, les courriers pour Groix ne peuvent plus assurer la traversée :<< l'Armor, qui était sorti, a dû, comme le port Tudy, rebrousser chemin et rentrer au port. Toute la flotille des chalutiers est également rentrée.La flottille des torpilleurs a été fortement secouée.>>

L'Ouest-Eclair du 21 Octobre rapporte : <<des arbres énormes ont été déracinés par le vent autour de Plouay et au village de Resturien, une longère de bâtiment de 20 mètres de longueur a été complètement abattue hier par la tempête. Cet accident s'est produit heureusement en plein jour, au moment où les fermiers et les bestiaux se trouvaient dehors, les fermiers perdant presque la totalité de leur mobilier et de leur récolte.

Ce même jour, à Priziac, <<Vers les six heures du soir, on entendait, perdu dans le loin, les sourds grondements du tonnerre. Quelques temps après de gros nuages noirs s'amoncelaient à l'horizon, les éclairs sillonnaient la rue, quand vers les sept heures et demi, le vent se mit à souffler avec rage pendant trois minutes environ, causant un fracas épouvantable>>.décrit le républicain de Pontivy du 27 octobre. La tornade frappe d'abord le village de Kerlocazo, où, souligne le journal <<les toits de chaume des maisons ont été en partie enlevés, une vingtaine d'arbre déracinés>>.Sans comper la destruction d'une cinquantaine de pommiers du verger de Pierre LE NY.

La tornade se sert du plateau où se trouve Kerlocazo comme d'un tremplin pour survoler la vallée de l'Aer puisqu'elle atteint Ménorven sur le versant opposé. Elle écourte le premier sommeil d'une maisonnée endormie en projetant la porte d'entrée à l'intérieur de la ferme pour s'engouffrer et tout disperser. Le tourbillon terminé, hommes, femmes et enfants osent s'extraire de leur couche pour découvrir un indescriptible désordre. Leurs sabots, alignés devant les lits clos et leurs effets, pliés sur le dossier des bancs ont été projetés sous les meubles. C'est à genoux, vêtus de leurs seules chemises, qu'ils parviennent à les récupérer.

<<Au Cleuziou, Yann LE FUR, sa femme, son fils, sa belle fille et leurs enfants ainsi que la bonne nommée Hélène LE MESTRE, finissent de veiller devant un bon feu. Soudain, un grondement se fait entendre et va en s'amplifiant, tandis que le devant de cheminée en toile se met à trembler.Plus intrigué qu'apeuré, le père de famille décide de sortir voir ce qui se passe mais sa femme le supplie d'attendre que le calme revienne.

Puis, comme le raconte le Républicain de Pontivy du 27 octobre : <<Tout rentra dans le silence, le ciel s'éclaircit et la lune se mit à briller d'un vif éclat>>.

C'est alors que le fils LE FUR pousse la porte pour constater les dégâts ; si leur toit en ardoises a résisté, le chaume des maisons mitoyennes a été emporté par le vent. En revenant vers les siens, il s'écrie : <<Quelle tempête ! >>et pense tout à coup au petit dernier de 3 ans, prénommé Jean, qui dormait dans une pièce voisine à laquelle on accède par une porte à lucet donnant sur la cour. Tout le monde s'y précipite pour découvrir que le battant supérieur a cédé, laissant pénétrer en quantité la paille d'une meule démolie par la tourmente, si bien que le berceau a disparu sous une crêche improvisée. Au plus vite le bambin est dégagé, vivant mais pas content !

Un voisin, imprudent, sorti pendant le phénomène, <<a été soulevé à une grande hauteur et jetée dans la vigne qui fleurit la maison de Mr Le Maire.>> signale le Nouvelliste du Morbihan. Pierre COHU, maire de la commune possède entre chez lui et chez les LE FUR un champ où trône un hêtre dans la force de l'âge. Régulièrement, le père LE FUR s'inquiète de la proximité avec la ferme. A ses craintes, Mr COHU répond qu'il n'y a aucun danger, qu'eux deux seront secs depuis longtemps dans leurs tombes que l'arbre sera toujours debout. La tornade, qui en décide autrement, le déracine et le fait chuter au raz du pignon de la maison de Mr COHU, ses branches démolissant au passage la cheminée. De plus, de son verger ravagé, un pommier <<dont le tronc mesure 0m60 de circonférence sur 2 m de longueur, a été soulevé par le vent à une hauteur prodigieuse et transporté sur 800 m. de son lieu d'origine.>> précise le Républicain de Pontivy. Le pommier s'écrase à Beg er Lann. Le lendemain, aidé de Jean GUENIC, le maire se rend au point de chute pour débarrasser le bois cassé. Etonné du nombre de curieux qui défilent, il s'exclame : <<Si j'avais su que tant de monde se serait déplacé pour voir où est tombé mon pommier, je l'aurais laissé plus longtemps ! >>

<< A l'est du bourg de Priziac, à environ 500m de cette localité, se trouvait une chataigneraie appartenant au successeur du comte de SAUSSAY. Elle a été complètement anéantie ; les arbres jonchent le sol, brisés, tordus,déchiquetés. De grosses branches arrachées de leur tronc ont été projetées à des distances prodigieuses avec une telle violence qu'elles se sont enfonçées dans le sol à une profondeur de 1m à 1.10m>> ajoute le Républicain de Pontivy, qui poursuit : <<Le petit village de Cosquéric, situé sur une petite éminence, a eu beaucoup à souffrir de la violence du vent, de nombreux arbres ont été déracinés>> dont le doyen , sous l'ombrage duquel on aime se retrouver aux beaux jours pour palabrer. L'article conclut : <<Le toit et la charpente des habitations ont été complètement arrachés>>.

Aussi, Louis DREVAL, le patron de l'unique ferme, ne peut que se lamenter que sa récolte de grainentreposée dans les greniers se trouve à découvert. Son jeune gardien de vaches, François LE ROUX, ne perd pas de temps et se précipite au bourg réveiller le charpentier Antoine GLAZIOU en hurlant : <<Cosquéric est parti avec le vent !>> Il va ensuite tirer du lit les boulangers LE MOING et BOZEC.

Tous accourrent après le petit <<bugul>> avec des sacs pour sauver le grain. Entre temps, le coq et les poules de la basse-cour ont été arrachés de leur perchoir et transportés un kilomètre et demi plus loin, jusqu'au village de Carmès en St Tugdual. C'est dans l'aire à battre que la volaille retrouve terre. Les pauvres bêtes, étourdies et épouvantées, se précipitent d'instinct vers la lumière d'une porte ouverte et lorsqu'elles paraissent chancelantes sur le seuil de la maison où se tient un fest noz, l'assistance s'interrompt de danser croyant à une manifestation diabolique ! D'autant qu'à ce moment le vent se déchaîne et endommage cinq maisonset couche de nombreux arbres. Le Nouvelliste du Morbihan déplore que <<Les villages de Cosquéric et de Carmès offrent un spectacle à arracher des larmes. D'une dizaine de maisons, plus rien que les murailles ; toits et charpentes ont été enlevés.>>Après cette ultime étape, au terme d'un parcours de six kilomètres de ravages, la tornade s'évanouit aussi mystérieusement qu'elle est survenue.

<<De mémoire d'homme,on n'avait vu plus terrible ouragan dans ce pays.>> affirme un chroniqueur local et on ne peut que lui donner raison au vu des désolations enumérés.